Les Procédures de Référés en Droit des Etrangers deviennent une arme redoutable pour étrangers
Sophia LASSEGUE et Haywood WISE, Cabinet d'Avocats Haywood WISE
Les procédures de référés en droit des étrangers deviennent une arme redoutable contre les défaillances des Préfectures
La loi du 30 juin 2000 a révolutionné le paysage du contentieux administratif avec l’apparition des procédures de référés. Les procédures de référé sont des procédures spéciales, appelées également procédures d’urgences qui permettent à un requérant dont un intérêt particulier est en jeu d’obtenir du juge une décision rapide et provisoire.
Comment répondre aux défaillances et retards des Préfectures dans l'octroi des récépissés et titres de séjour?
Une décision administrative illégale, ou tout simplement une absence de réponse, peut avoir de lourdes conséquences, de surcroît en droit des étrangers où celles-ci peuvent même être irréversibles. C’est ainsi que les procédures d’urgences connaissent un important succès dans le sens où les étrangers, confrontées aux multiples difficultés résultantes de la lourdeur administrative, bénéficient désormais d'une voie de recours qui leur permettra d'agir efficacement et d'obtenir soit la suspension d'une décision manifestement illégale soit un acte que l'administration refuse de prendre. Ceci pourra être le cas, notamment, pour les retards importants pour l’octroi d’un récépissé de demande de titre de séjour, un retard dans le traitement de la demande de titre de séjour, notamment, où l’urgence et caractérisée par un risque de perte d’emploi, ou d’être dépourvu d’un séjour régulier en France.
La procédure est contradictoire et orale et s’achève à l’issue de l’audience – si celle-ci a lieu.
Les décisions du juge des référés sont appelées « ordonnances de référé ». Bien qu’elles demeurent exécutoires et obligatoires pour leurs destinataires, les ordonnances de référé ne sont pas revêtues de l’autorité de la chose jugée. Cela signifie qu’elles sont réversibles en cas d’apparition d’un élément nouveau.
La loi du 30 juin 2000 a donc instauré trois types de procédures d’urgence, respectivement appelées : le référé suspension, le référé liberté, et le référé conservatoire (appelé aussi « mesures utiles). Chacun de ces référés apporte des solutions concrètes à des problèmes rencontrés par les étrangers au quotidien.
1. Le référé suspension article L521-1 du CJA.
Ce recours permet d’obtenir la suspension de l’exécution d’une décision administrative (ex : refus de séjour, refus de visas, refus de remise de récépissés etc.)
Le référé suspension doit répondre à trois conditions :
- La condition d’urgence
Il est nécessaire que le justiciable rapporte les raisons pour lesquelles il y a urgence à suspendre l’exécution d’une décision administrative. Hormis les cas où l’urgence est présumée (expulsion, refus de délivrance de titre de séjour), c’est le juge qui apprécie objectivement si la condition d’urgence est remplie. Etant donné que l'urgence doit être démontrée au cas par cas, l’aide d’un avocat s’avère utile puisque ce dernier est à le plus à mesure de caractériser l’urgence eu égard de la situation de l’étranger.
- L’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’acte
Par exemple, une obligation de quitter le territoire comporte un doute sérieux quant à sa légalité dès lors qu’elle est adressée à l’étranger ayant des attaches familiales en France.
- Un recours au fond doit avoir été formé en parallèle du référé
Pour former un référé suspension, il faut également former un recours principal en annulation en parallèle. Par exemple un recours en référé contre la décision de refus du consul général de France de délivrer un visa sera rejeté s’il n’est pas accompagné d'une requête distincte du recours principal (CE, réf., 12 sept. 2008, n° 320182 CE, réf., 7 oct. 2008, n° 321207).
2. Le référé-liberté, article L521-2 du CJA
Ce recours permet d’obtenir la conservation d’une liberté fondamentale, à laquelle l’administration aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale.
Le juge du référé liberté doit statuer dans un délai de 48 heures suivant sa saisine, et peut prendre toutes les mesures utiles pour faire cesser l’atteinte à la liberté fondamentale.
Le référé-liberté doit répondre à deux conditions :
- La condition d’urgence
Il faut justifier d’une urgence telle que le juge doive intervenir dans les 48 heures suivants sa saisine.
En effet, il doit s’agir de ce que l’on appelle une « urgence impérieuse » ou encore une « extrême urgence ». La condition d'urgence est considérée comme étant remplie lorsque l'étranger fait l'objet d'une mesure de refus d'entrée sur le territoire (CE, réf., 24 oct. 2005, n° 286247). De la même manière, il y a urgence lorsqu’un nouvel élément relatif à l'état de santé du requérant justifie une demande d'avis médical.
- L’administration doit avoir porté cette atteinte grave et manifestement illégale une liberté fondamentale au sens de l’article L521-2 du CJA
Enfin, selon les cas, un référé suspension ou un référé liberté pourraient être envisagés. Il est toujours possible d’introduire un référé-liberté et un référé-suspension en même temps, à condition que les deux fassent chacun l’objet d’une requête distincte.
3. Le référé conservatoire, article L521-3 du CJA ou référé "mesures utiles"
Ce référé sert à demander au juge administratif d’ordonner que soient prises des mesures afin de prévenir une situation illicite.
Dans le contexte de la crise sanitaire mais surtout face aux récurrents problèmes de prise des rendez-vous dans les préfectures, ce référé s’est avéré utile pour les avocats afin de permettre à leurs clients de déposer leurs demandes de titre de séjour ou d’obtenir des récépissés.
Le référé conservatoire répond à trois conditions :
- L’urgence
Cette condition est appréciée de manière beaucoup plus souple que dans le cadre des référés suspension ou liberté.
S’agissant encore des problèmes de rendez-vous, le juge des référés considère qu’il y a urgence pour le demandeur d’un titre de séjour de pouvoir prendre un rendez-vous sur le site de la préfecture de son lieu de résidence, afin de déposer sa demande de titre de séjour dès lors qu’il doit pouvoir justifier de la régularité de sa situation sur le territoire français dans l’attente de l’instruction de son dossier.
- L’utilité de la mesure
La mesure que sollicite l’étranger doit être utile. Dans le cas des problèmes de prise de rendez-vous, l’utilité de la mesure reste simplement que la fixation d’un rendez-vous par la préfecture sur ordre du juge permet à l’étranger de pouvoir déposer son dossier.
- L’absence d’obstacle à l’exécution d’une décision administrative
Cela signifie que la décision du juge ne peut pas faire obstacle à une décision préexistante de l’administration.
Les procédures de référés constituent un arsenal remarquable en contentieux administratif de manière générale et plus particulièrement en droit des étrangers. Pour autant, ils répondent à des exigences procédurales et de fond demeurant très précises. C’est la raison pour laquelle leur maniement n’est pas aisé et qu’il existe un réel intérêt à faire appel à un avocat spécialiste en droit des étrangers.